Les bibliothèques d'artistes

La vente après décès de Narcisse diaz de la Pena

Artiste français d’origine espagnole, Narcisse Diaz de la Pena nait en 1807 et meurt en 1876. En tant que peintre de paysage, il est rattaché à l’Ecole de Barbizon, village dans lequel il a habité. Mais son style est pluriel et il a peint également des scènes de genre et des tableaux d’histoire.  Si ses débuts sont difficiles, à partir de 1848, il rencontre un succès qui ne se démentira plus jusqu’à sa mort.

Personnalité très sociale, il fréquente la plupart des artistes de son époque : d’abord les peintres qui viennent en forêt de Fontainebleau, notamment Jules Dupré, Théodore Rousseau et Jean-François Millet, puis la seconde génération de peintres paysagistes qui se réunissent à l’auberge Saint Siméon, notamment Courbet. Il y fait également la connaissance de Monet et il est, par ailleurs, un grand ami de Renoir. Ses toiles ont joué un rôle important dans la formation des impressionnistes, par l’usage d’une touche libre et de couleurs vives. Cependant, il est aujourd’hui très difficile de se rendre compte de l’impression réelle qu’ont pu faire ses toiles sur ses contemporains car les couleurs ont énormément foncé.

Deux sources pour une vision partielle

La bibliothèque de Diaz de la Pena nous est connue principalement par le catalogue de la vente, dont les biens de l’artiste ont fait l’objet après son décès. Le catalogue compte 32 pages introductives et 114 pages de description des lots. La première partie réunit la biographie de l’artiste par Théophile Sylvestre, des textes de critiques contemporains – Théophile Thoré, Théophile Gautier, Edmond About et Jules Claretie – sur l’œuvre de Diaz et des hommages, écrits par Albert Wolff, Émile Bergerat, Eugène Véron, Philippe Burty, Eva Gonzalès et Gonzague Privat, au moment de sa disparation. Elle contient également la liste des œuvres exposées par Diaz aux divers Salons.

La vente elle-même se déroule en deux parties : la première consacrée aux œuvres de Diaz et la seconde à sa collection personnelle, dont ses livres. Cette dernière, précédée la veille d’une exposition, se déroule du 25 au 27 janvier 1877, sous le marteau de Charles Pillet et l’expertise de Monsieur Labitte, libraire. Les livres sont répertoriés dans les derniers numéros du catalogue, de 636 à 688. Le numéro 637 est dédoublé d'un bis et le 688 désigne un lot « quelques ouvrages de littérature et d'histoire ». Cela représente donc un total de 54 ouvrages.

Cette première source est complétée par l’inventaire après décès de l’artiste, qui est conservé aux Archives nationales. Plusieurs lignes sont consacrées à la bibliothèque. Les ouvrages y sont décrits en vingt lots, pour un total de 325 volumes, plus les albums chinois dont le nombre n’est pas précisé. L’ensemble est estimé à 2.230 francs. Le titre de certains ouvrages sont mentionnés. Et s'ils recoupent parfois ceux de la vente après décès, ce n'est pas toujours le cas. Ces deux sources offrent donc une vision certes toujours partielle, mais complémentaire de la bibliothèque de Diaz.

Le catalogue de vente après décès d’un artiste en dit autant sur l’artiste lui-même que sur l’objet vendu et la manière dont on le conçoit à une époque donnée. Ceci est particulièrement flagrant concernant les livres. On sait, par l’inventaire, que la bibliothèque de Diaz comptait plus de 300 volumes. Or seulement 54 passent en vente en tant qu’ouvrage individuel. Cette sélection est certainement opérée par le libraire, expert de la vente selon des critères d’intérêt bibliophilique de chaque ouvrage, leur cote et leur chance de trouver preneur.

Invitation à une approche comparatiste

La bibliothèque de Diaz reflète une éducation classique, avec la présence des auteurs antiques, de la Renaissance italienne et des lumières. Cependant la part des auteurs modernes a largement augmenté par rapport à la bibliothèque de Théodore Rousseau (lien), passée en vente 10 ans auparavant. Cela reflète une évolution rapide des goûts et des tendances. Deux tiers environ des ouvrages sont écrits par des contemporains de l’artiste.

Le second aspect remarquable de cette bibliothèque, ou du moins des choix d’ouvrages qui ont été opérés, est la présence marquée des ouvrages d’art, et en particulier des catalogues de vente, au nombre de sept. Leur présence à la vente montre à quel point ces publications s’imposent, au cours du XIXe siècle, comme une véritable littérature artistique. Souvent illustrées, c’est le cas pour l’ensemble des sept catalogues de la bibliothèque de Diaz, ces ouvrages font également fonction de réservoirs d’images, de potentielles sources d’inspiration, et en tout cas, de musée imaginaire pour les artistes.

Bien que partielles, les sources permettant d’appréhender la bibliothèque de Narcisse Diaz de la Pena sont le ferment d’une analyse de son contexte intellectuel et artistique. Son étude prend tout son relief, en la comparant aux artistes de sa génération et des impressionnistes juste après eux.

 

Articles et ouvrages de référence 

Pierre et Rolande Miquel, Narcisse Diaz de la Peña, Monographie et catalogue raisonné de l'oeuvre peint, Paris, ACR édition, 2006

Les publications monographiques sur Diaz sont peu nombreuses. Les Miquel, qui se st beaucoup intéressés à cette période livrent ici un important un travail biographique et d'inventaire des œuvres.

David Croal Thomson, The Barbizon school of painters, London, Chapman and Hall limited, 1902

Thomson fut l'inventeur de l'Ecole de Barbizon. Si cette désignation contribua à faire connaitre ces artistes, elle forgea également une image d'unité esthétique et social, finalement assez éloignée de la réalité. Aujourd'hui, si le terme est toujours utilisé, sa signification est largement nuancée.